L’idéologie est un art déconnecté du réel

La séparation marquée entre les arts dit « libéraux » et « mécaniques » remonte à l’Antiquité. Elle est restée présente dans les esprits de nos « élites » qui vouent à la pensée un culte disproportionné aux dépens du simple bon sens.

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L’idéologie est un art déconnecté du réel

Publié le 17 mars 2022
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En France, la séparation marquée entre les arts dit « libéraux » et « mécaniques » remonte à l’Antiquité. Elle est restée présente dans les esprits de nos « élites » qui vouent à la pensée un culte disproportionné aux dépens du simple bon sens. Ils perdent ainsi pied avec la réalité du monde physique pour le malheur des hommes en favorisant une idéologie déconnectée du terrain dont le fondement s’enracine dans l’Histoire.

Des origines antiques

Depuis l’Antiquité, les « arts » ont été classés selon une échelle de valeurs, mais les Grecs anciens n’utilisaient ni le mot « art », ni son concept. Ils désignaient certaines activités par le terme de « techné » précurseur de « technique » dont le classement des neuf activités reconnues était le suivant :

  1. La poésie épique, parrainée par la muse Calliope
  2. L’histoire (muse Clio)
  3. La poésie érotique et lyrique (muse Érato)
  4. La musique (muse Euterpe)
  5. La tragédie (muse Melpomène)
  6. La pantomime, la rhétorique et les chants religieux, curieusement associés (muse Polymnie)
  7. La danse et le chant choral (muse Terpsichore)
  8. La comédie (muse Thalie)
  9. L’astronomie et la géométrie (muse Uranie)

 

Apparition des arts libéraux et mécaniques

C’est au Moyen Âge qu’apparaît un classement des arts (cette fois le mot existe) en deux espèces : les arts libéraux, et les arts mécaniques.

Une hiérarchie empirique attribuait une supériorité aux arts libéraux répartis en deux groupes :

  1. Le trivium, domaine de la haute abstraction (rhétorique, grammaire et dialectique)
  2. Le quadrivium (la science des nombres : arithmétique, géométrie, astronomie et musique)

 

Les arts mécaniques recouvraient l’ensemble des activités manuelles considérées comme des arts serviles.

Parmi ces activités, les Beaux-arts (l’architecture, la sculpture, l’orfèvrerie, la peinture) ont formé une classe intermédiaire entre arts libéraux et arts mécaniques.

Au fil du temps, la pharmacie, la verrerie, la médecine et la coutellerie ont rejoint les arts libéraux.

L’apprentissage et le maniement des armes, alors réservés aux nobles, constituaient une classe distincte, les nobles arts. Cette appellation noble art a été reprise quelques siècles plus tard pour le monde de la boxe.

C’est à la Renaissance (1300 jusqu’en 1500) que le terme art (arte, pluriel arti) désigne tous les gestes précis d’une pratique maîtrisée.

Et c’est dans la seconde moitié du XVIIIe siècle qu’il a pris le sens plus large de savoir-faire avec la création de la notion d’arts et métiers.

 

Une ségrégation élitiste

Cette ségrégation est à l’origine de la notion d’élitisme qui a traversé tous les régimes politiques. Elle prédispose malheureusement ceux qui ont pour ambition de diriger la cité à fuir les arts mécaniques et leur difficile apprentissage, craignant peut-être que l’habilité de la main atrophie leur pensée.

Ainsi, les dirigeants politiques de notre époque, répugnant à supprimer cette distinction antique entre arts libéraux et mécaniques et donc à accueillir dans leurs rangs des intelligences de formation scientifique ou technique, gouvernent dans l’abstraction, loin des réalités du monde physique, de la nature et des peuples.

Cette perversion de la pensée planant au-dessus du réel, et dont l’origine réside dans cette classification historique artificielle, constitue un terreau pour les idéologies. Elle favorise aussi le discours des gourous, dont bien peu de gens pensent à vérifier, voire à dénoncer, les sornettes. Elle brouille le raisonnement, elle empêche une vision rationnelle des situations, y compris politiques, et conduit au malheur, et même à la guerre comme celle en Ukraine aujourd’hui.

 

Voir les commentaires (7)

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  • jacques lemiere
    17 mars 2022 at 7 h 02 min

    on vote en france…

    on peut se libérer de ces “élites”..

  • Très intéressant !

    On comprend que de tous temps, la classification est exclusivement élitiste. Et que de plus elle tend à placer au premier rang ceux qui ne font montre d’aucune compétence particulière ou mesurable : “fuir les arts mécaniques et leur difficile apprentissage, craignant peut-être que l’habilité de la main atrophie leur pensée”.

    L’art du “bouseux” – celui qui sait cultiver la terre et in fine nourrit tout le monde – n’est même pas classifié. Aujourd’hui, c’est l’art du technicien, au sens large et dans tous les domaines (pas seulement scientique) qui est nié. L’ingénieur, le médecin de ville, le général sont devenus des exécutants. Alors que jadis le “général” était César, ingénieur était presque un titre de noblesse, le médecin était un demi-dieu.

    La spécialisation, la somme grandissante de connaissances à maîtriser rabaisse ceux qui sont les plus utiles ou indispensables au rang de subalternes jusqu’à la négation de leur compétences.

    La classification, l’élitisme et l’accaparation du pouvoir sont une même chose. Et le phénomène est naturellement amplifié par le néo-socialisme qui prétend organiser la société par les “élites” mais surtout pour les “élites”.

    • Nos administrations sont remplies de gens compétents. Si, si.
      Donc le personnel politique n’a que faire de compter des hypertechniciens dans ses rangs immédiats. En cas de besoin, il n’a qu’à se baisser pour en ramasser des tonnes.
      D’ailleurs l’arrivée de gens “issus de la société civile” chez les ministres n’a pas souvent donné de bons résultats.
      Le personnel politique a en réalité besoin de communicants, de gens doués en matière d’acceptabilité sociale. De gens capables de raconter une histoire réaliste et d’y faire adhérer le peuple.
      Ainsi, la plus grande privation de liberté que nous ayons connue depuis des décennies – celle du premier confinement – est passée presque comme une lettre à la poste, parce que l’histoire racontée, si elle était improbablement horrible, et la manière dont elle était racontée, étaient bigrement convaincantes. Un truc pourtant incroyable si on nous en avait parlé à froid, un an plus tôt.
      Elle reposait aussi sur un fondamental français, bien compris de nos dirigeants : l’égalité/l’égalitarisme de tous les citoyens. Avec le confinement, tout le monde était à pied d’égalité. Par la suite, et sans doute pour cette raison, avec le pass, le charme et la solidité de l’histoire se sont évaporés. L’acceptabilité sociale s’est fragilisée.
      La fable du 80 km/h qui allait sauver des vies, en revanche, peu y ont adhéré. C’était pourtant une mesure bien moins gravissime que la première. Elle reposait sur une approche technicienne tout ce qu’il y avait de sérieux – en apparence, mais peu de gens étaient capables de démontrer le contraire. On connaît la suite.

  • Trois ingénieurs issus d’écoles différentes construisent chacun un pont.
    Celui du centralien s’écroule mais il ne sait pas pourquoi.
    Celui du polytechnicien s’écroule mais il sait pourquoi.
    Celui du gadzart tient mais il ne sait pas pourquoi.

    • Et que déduisez-vous de cette blague qui a traversé les siècles ?

    • Oui, mais peu importe !

      Peu importe que l’on tienne sa compétence d’études avancées ou d’un savoir-faire ancestral. L’ingénieur est simplement supposé ne pas agir au hasard. La science ne donne aucune garantie, seulement une indication de la voie à suivre.

      Au final, c’est au bailleurs de fonds de faire le tri entre les compétents et les autres. Le problème se pose en général quand le bailleur de fond est l’état.

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